14 novembre 2024 | Questions de planification | Lecture de 8 minutes

Planification de fin de vie : une situation intemporelle

Au deuxième étage de la National Gallery de Londres, près du Trafalgar Square (Place de Trafalgar), se trouve une peinture à l’huile sur chêne, Les Ambassadeurs. Ce chef-d’œuvre de 1533 de Hans Holbein représente deux aristocrates contemplant une collection d’objets curieux : gages de richesse et d’héritage, œuvres d’art et travaux scientifiques. Au premier plan, un crâne, un Memento Mori symbolisant la mortalité, est peint en anamorphose, déformé de telle sorte que lorsqu’on regarde directement le tableau, on est conscient qu’il est , mais on ne sait pas trop quoi en penser à moins de plisser les yeux et d’y réfléchir vraiment. Plutôt que de s’y arrêter, les yeux restent occupés ailleurs, perdus dans les autres détails de cette œuvre complexe. Le planificateur financier que je suis ne peut s’empêcher de penser : s’agit-il d’une représentation de la planification successorale à l’époque des Tudor? Finalement, les temps n’ont pas changé.

Hans Holbein the Younger - The Ambassadors
Source: Wikipedia Commons dans le domaine public.

En effet, pour plusieurs, la planification de ce qui vient « après » est rarement un centre d’intérêt naturel. Il est souvent plus facile de continuer à travailler : si l’on continue à mettre un pied devant l’autre, jour après jour, tout va bien s’arranger tout seul? Pourtant, logiquement, c’est le contraire qui est le plus certain. Comme pour toute chose, il faut faire des efforts afin de s’organiser au-delà de l’essentiel et mettre en œuvre une stratégie solide. En contrepartie, les avantages d’un plan successoral réfléchi peuvent être considérables. Cet article présente quelques facteurs susceptibles de vous aider dans votre démarche de planification successorale.

Testaments et exécuteurs testamentaires

Bien que tout le monde semble connaître l’importance d’un testament pour les affaires familiales, il est étonnant de constater qu’il ne s’agit pas d’une pratique encore universelle, même parmi les personnes fortunées. Si vous lisez ces lignes et que vous n’avez pas de testament, la première étape de votre planification successorale est d’en rédiger un. À quoi faut-il s’attendre?

Votre spécialiste de planification successorale vous demandera probablement de remplir un questionnaire de planification. Cette tâche consiste à faire le point sur vos biens, en examinant à la fois l’intention et les aspects pratiques de chaque actif et passif (votre propre « collection d’objets curieux ») et peut s’avérer instructive et même susciter des changements dans leur gestion. En règle générale, revoir son testament tous les trois à cinq ans ou à l’occasion d’un changement de vie important découle de cet avantage.

L’un des aspects pratiques de la procédure est le choix de l’exécuteur ou exécutrice testamentaire, à qui vous confierez le soin d’exécuter vos volontés. Si vous avez un seul testament (dans certaines provinces, plusieurs testaments peuvent être utiles; parlez-en à votre conseiller), la tâche de changer les serrures de vos portes et la responsabilité de maintenir l’entreprise familiale reviendront à la même personne. Il s’agit d’un travail important et potentiellement très technique. Selon nous, le simple « honneur » d’être sélectionné ne constitue pas une rémunération suffisante pour supporter une telle charge. Vous pouvez accumuler du kilométrage en fonction de la complexité des besoins.

Pourtant, certains clients désignent instinctivement leur conjoint ou, à défaut, leurs enfants. Cette solution peut s’avérer efficace pour certains, puisque les membres de la famille peuvent facilement passer le test de la confiance, mais elle présente des inconvénients. L’enfant choisi peut ne pas en avoir la capacité le moment venu, ou ne pas vouloir être le seul gardien de ses frères et sœurs, dont chacun aura des besoins financiers ou de santé particuliers. Une intention saine pourrait aussi alimenter les tensions, en particulier dans une période déjà chargée en émotions.

Vous pouvez plutôt considérer une personne de confiance qui ne fait pas partie de la famille, que vous jugez compétente. Nous avons vu des avocats et des comptables être désignés, ce qui est logique, car non seulement ils peuvent faire preuve de professionnalisme, mais ils ont aussi probablement participé à l’élaboration du plan successoral et ont donc une bonne connaissance de la structure de votre famille. Cet arrangement est toutefois de moins en moins courant dans les dernières années. La responsabilité professionnelle peut être un enjeu, mais il faut également tenir compte qu’eux aussi doivent penser à leurs propres plans de retraite et de succession. Vos conseillers sont probablement du même âge que vous et ne sont donc pas en mesure d’offrir la continuité nécessaire. Leur espérance de vie est peut-être même plus courte que la vôtre! C’est pourquoi des sociétés de fiducie spécialisées et fortement réglementées ont été créées. Elles peuvent être désignées pour fournir les services professionnels renforcés dont certaines successions ont besoin, ainsi qu’une continuité à long terme.

Fiducies et fiduciaires

Dans notre pratique, nous voyons souvent la manifestation moderne du crâne déformé dans le tableau de Holbein. La mort est une évidence, certes, mais elle n’arrivera pas avant l’heure, n’est-ce pas? Bien entendu, la réalité est beaucoup moins abstraite. Il convient de prendre en compte la possibilité réelle que votre succession soit transmise à vos bénéficiaires plus tôt que vous ne l’auriez souhaité, par exemple avant qu’ils ne soient prêts, et l’impact négatif net de cette situation pourrait être très préjudiciable.

Pensons par exemple à une famille avec deux jeunes enfants de 9 et 12 ans. Dans cet exemple concret, les parents avaient accumulé une valeur nette substantielle et étaient également les héritiers de domaines successifs potentiellement importants. En cas de décès prématuré des parents, les enfants auraient reçu leur héritage immédiatement après avoir atteint la majorité. Compte tenu du montant des versements, les conséquences auraient pu être catastrophiques.

Une option appropriée serait que les testaments des parents établissent le règlement des fiducies au décès du dernier parent survivant. Contrairement au rôle des exécuteurs testamentaires, qui implique généralement un transfert unique, les fiducies sont des dispositifs permanents dans lesquels des fiduciaires sont nommés pour gérer les actifs de la fiducie pour les bénéficiaires, en l’occurrence, les deux enfants. Les testaments des parents pourraient préciser la manière dont les fiducies devraient être mises en place, décrire les conditions spécifiques d’accès à l’héritage et la manière dont les actifs doivent être gérés entre temps.

Ici, les parents ont opté pour une distribution échelonnée : 10 % des fonds sont libérés à l’âge de 19 ans, 20 % à 25 ans, 20 % à 30 ans et le reste à 35 ans. Par ailleurs, les fiduciaires sont autorisés à effectuer des distributions pour couvrir des dépenses raisonnables de logement, de soins médicaux, d’éducation et pour d’autres dépenses nécessaires. Cette approche peut être adaptée à d’autres situations : et si le bénéficiaire envisagé n’est jamais prêt? Les fiducies peuvent offrir une certaine flexibilité dans de telles circonstances.

Les mêmes considérations que pour le choix d’un exécuteur testamentaire s’appliquent au choix d’un fiduciaire, peut-être avec plus d’importance encore. La nature permanente des fiducies rend la continuité et les capacités professionnelles encore plus critiques. Encore une fois, il convient de bien réfléchir à la question de savoir si la désignation d’un membre de la famille ne risque pas de perturber l’harmonie familiale générale.

Procuration

Dans l’élaboration de tout plan, il est prudent de prévoir d’autres options; des imprévus peuvent effectivement arriver. Dans le même ordre d’idées, il est possible de se doter d’un plan de rechange en désignant un mandataire de procuration. En règle générale, les couples mariés se désignent mutuellement, et une personne de confiance est désignée comme option de rechange.

L’objectif de ce document, contrairement au testament, est de permettre à la personne désignée d’exécuter vos souhaits si vous n’êtes plus en mesure de le faire de votre vivant. Comme indiqué dans les éditions précédentes du bulletin Planning Matters (ici et ici), déterminer la capacité peut être complexe. Dans certaines provinces, les professionnels peuvent préférer que la procuration prenne effet immédiatement; renseignez-vous auprès de votre conseiller. Une procuration peut s’avérer extrêmement utile pour effectuer des transactions de la vie quotidienne qui seraient autrement difficiles, voire impossibles, sur le plan logistique, qu’il s’agisse de payer des factures de carte de crédit ou de veiller à ce que les transactions immobilières soient réglées dans les délais prévus (là encore, il existe des subtilités dans certaines juridictions, demandez l’avis d’un professionnel).

Agent

Un autre élément important est le fait qu’un plan successoral doit laisser suffisamment de souplesse aux personnes désignées pour déléguer des tâches à des professionnels, tels que des conseillers en placements pour gérer les portefeuilles des marchés publics et des agents immobiliers pour s’occuper des ventes de biens immobiliers. Les personnes nommées devraient également avoir la possibilité de déléguer plus largement à des agents, comme les sociétés de fiducie, le soin de fournir des soins professionnels complets selon leur jugement.

Au final, l’objectif est de maximiser les chances d’obtenir des résultats positifs en prenant des mesures raisonnables, et de mettre en place des mesures d’urgence appropriées. À ce stade, Les Ambassadeurs pourrait plutôt illustrer une armoire organisée et un long parchemin représentant un testament bien rédigé. Le Memento Mori est maintenant plus cohérent et s’intègre mieux dans le décor. Encore là, peut-être pas; n’oublions pas qu’un bon plan successoral n’est jamais parfait, mais qu’il est plutôt en constante évolution et qu’il suscite perpétuellement la réflexion. Rétrospectivement, c’était peut-être le but recherché depuis le début. Cet auteur n’est pas un artiste.

REMARQUE : Les renseignements contenus dans le présent article ne doivent pas être considérés par les lecteurs comme des conseils juridiques et ne doivent pas être utilisés comme tels. Nous vous conseillons de demander un avis juridique pour votre situation personnelle.

À propos du contributeur

Philan Policar, CPA, CA, CFA, FRM est le directeur financier de Coda Trust Company ltée, une société de fiducie indépendante, réglementée par la Colombie-Britannique et spécialisée dans les services fiduciaires et successoraux personnalisés. Il est également associé chez BC Partners in Planning, un bureau multifamilial situé à West Vancouver, où il travaille en étroite collaboration avec les clients et leurs familles sur la planification financière intergénérationnelle. Vous pouvez communiquer avec lui à l’adresse ppolicar@bcpip.ca.

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