21 mai 2024 | Conseils discrets | Lecture de 5 minutes

Éviter le piège de l’illiquidité

Nous avons souligné à plusieurs reprises ces dernières années des avantages et des inconvénients de l’inclusion d’actifs privés dans les portefeuilles (ici et ici et ici), alors que nous avons lancé deux fonds d’infrastructure et un fonds d’actifs privés diversifiés pour des clients. Comme pour toutes nos stratégies, nous avons œuvré pour une approche équilibrée à l’égard de ces placements, car nous avons créé ces fonds comme une solution aux problèmes d’investissement de certains clients, et non comme un produit destiné à tous.

Notre contre-éditorial publié dans le Globe and Mail le 2 mai 2024, soulignait le risque de l’illiquidité lors des investissements dans des actifs privés, ce qui, nous le craignons, n’est pas bien compris par l’ensemble des investisseurs. Nous avons reçu l’autorisation de le republier.

En investissement, parfois trop c’est comme pas assez. Pensez aux actifs privés. Les investissements en immobilier, en infrastructures, en capital de risque et en capital-investissement et en instruments de crédit ont porté des fruits pendant de nombreuses années pour les investisseurs ayant une perspective à long terme et des besoins de liquidités limités. Néanmoins, mes collègues et moi constatons une tendance inquiétante dans le secteur : les investisseurs particuliers détiennent des quantités alarmantes d’actifs privés dans leurs portefeuilles, 50 % ou plus dans certains cas, possiblement sans comprendre la véritable nature du risque d’illiquidité qu’ils ont assumé.

Affaires privées

Les actifs privés présentent de nombreux avantages. En théorie, ils offrent un supplément par rapport aux titres publics et, comme ils ne sont pas évalués quotidiennement, les rendements semblent également moins volatils. De tels gains intéressent des institutions comme Ontario Teachers, la BCI, l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada et la Caisse qui veulent atteindre les ratios de solvabilité des fonds et avoir des obligations concordant avec les flux de trésorerie à long terme. Grâce à une projection actuarielle des 30 prochaines années, ils peuvent allouer sans crainte de grandes parts de leur fonds (souvent plus de 50 %) à des actifs illiquides, car ils savent que le reste du portefeuille peut couvrir les besoins à court terme.

Comparez ce profil à celui d’un particulier typique comme « Marcus », un retraité de 65 ans disposant de 2 millions de dollars d’actifs à investir et dépensant 80 000 dollars par année (4 %). Sa situation financière est confortable, mais en cas de problème de santé ou d’un urgent besoin d’argent pour aider un membre de la famille, il risque de ne pas pouvoir accéder rapidement à une partie suffisante de son capital.

Marcus n’a pas un régime de retraite; la liquidité est donc importante pour lui. Tout avoir investi dans des actifs privés peut être soumis à des délais d’accès : un, trois, voire six mois selon les clauses en petits caractères. De plus, si le fonds restreint les rachats, il peut être bloqué pendant des années.

Ce contre-éditorial s’adresse aux Marcus de ce monde qui sous-estiment le risque d’être limités par des allocations élevées d’actifs privés. À notre avis, Marcus et son conseiller devraient examiner attentivement quels investissements illiquides conviennent à son portefeuille. Malgré des rendements potentiels légèrement supérieurs, une allocation importante à cette classe d’actifs n’est probablement pas adaptée à son cas.

Pris dans les méandres des avoirs en actions

Un des risques importants pour les particuliers qui investissent dans des actifs privés est la corrélation entre leur tolérance au risque et les risques du marché. Imaginons que Marcus est un restaurateur ou directeur financier d’une petite entreprise de technologie financière. Les réservations au restaurant et les financements de projets technologiques ont tendance à diminuer en cas de paralysie du marché. Il suffit que plusieurs investisseurs comme Marcus utilisent la fenêtre de rachat de fonds d’investissement privés pour constater que le besoin de rachats est le plus important lorsqu’ils sont bloqués ou restreints par le fournisseur.

Tim Kiladze a bien couvert ce phénomène au cours des dernières années pour le Globe and Mail, notamment le gel des rachats par le prêteur hypothécaire privé Romspen Investment Corp, le fonds de dette privée géré par Ninepoint Partners LP et Third Eye Capital Management, et le fonds d’immobilier commercial de Hazelview Investments. Le géant Blackstone Real Estate Income Trust a également limité les rachats en décembre 2022 et, en septembre dernier, où il ne payait que 29 % des demandes. (Les choses se sont replacées depuis.)

Les rachats au prorata ont souvent lieu lorsque le total des demandes dépasse 2 % de la valeur du fonds au cours d’un mois ou 5 % au cours d’un trimestre. Ce n’est pas une grande marge pour des fonds qui se présentent comme ouverts.

Pour être clair, les restrictions de rachat ne sont pas une raison d’éviter les actifs privés. Elles font partie du jeu. Il s’agit d’un risque que vous assumez, pour lequel vous devez être indemnisé et qui doit vous être expliqué clairement.

Inadéquation de la composition des actifs

Question surprise : Quelle décision difficile, mais intelligente prend un bon conseiller en investissement lorsque vos actions ont baissé de 50 % et que vos obligations ont augmenté de 10 %? Réponse : Vendre les obligations et achetez des actions pour retrouver des pondérations stratégiques à long terme correspondant à votre tolérance au risque et vos objectifs rendement. Les titres illiquides entravent ce processus, car ils affaiblissent votre capacité à acheter des actifs sous-évalués et vous obligent à courir le risque d’être surpondéré par rapport aux récents gagnants. Même les personnes très fortunées qui investissent dans des fonds privés de Leith Wheeler ont tendance à limiter cette partie de leur portefeuille à environ 20 % de l’ensemble des actifs investis. Les avoirs sont donc bien rééquilibrés.

Cependant, si les actifs privés constituent eux-mêmes la principale « stratégie » et occupent donc la moitié ou plus du portefeuille, il peut être très difficile de rééquilibrer efficacement les pondérations lorsque les marchés s’effondrent ou montent en flèche.

Les actifs privés peuvent être avantageux dans un portefeuille diversifié pour l’investisseur approprié, en fonction d’une série de facteurs. Nous conseillons à nos clients de tenir compte de leurs besoins de trésorerie, des risques corrélés, de l’impact sur le rééquilibrage des actifs, de l’attrait de l’offre (et des frais) et de leur capacité à faire face à l’illiquidité, possiblement pendant une longue période. Ensuite, ils fixent leur allocation en fonction de leur profil de risque global.

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