22 décembre 2023 | Points de vue | Lecture de 8 minutes

Série L’explicatif (Explainer) de Leith Wheeler : Le débat sur les dividendes

Les dividendes sont une excellente chose, mais les investisseurs devraient se méfier de (simplement) confondre rendement élevé et occasion de placement. Tout ce qui brille dans un arbre de Noël n’est pas or. Laissez-moi vous expliquer.

Les dividendes représentent sans aucun doute l’un des éléments essentiels du rendement total des actions à long terme. Ce rendement peut varier d’une société à l’autre, mais comme le montre la figure 1, la contribution des dividendes au rendement de l’indice S&P 500 au cours des 85 dernières années a été de 3,7 %, soit 36 %.

Figure 1 : Composantes des rendements boursiers (indice S&P 500) pour les 85 années terminées le 30 septembre 2023

Components of Stock Market Returns (S&P 500 Index) for 85 years ended Sep 30, 2023
Sources: Barrow Hanley, Bank of America Merrill Lynch.

Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Est-il préférable de recevoir des dividendes ou que les sociétés réinvestissent les liquidités dans leurs activités? La réponse à ces questions est… cela dépend. Examinons les avantages et les inconvénients des versements de dividendes, pour les sociétés et les investisseurs.

Arguments en faveur des dividendes pour les sociétés

Les sociétés rentables ont des moyens à leur disposition pour la répartition des bénéfices. Elles peuvent les réinvestir dans leurs activités pour favoriser leur croissance en achetant, par exemple, plus d’équipement afin de fabriquer plus de produits. Elles peuvent racheter et retirer leurs actions, ce qui augmente le bénéfice par action pour les autres actionnaires (nous avons abordé ce concept dans notre récent article sur le RCP). Elles peuvent aussi remettre l’argent aux actionnaires sous forme de dividendes.

La croissance des activités peut également accroître les dividendes, et les sociétés dont les dividendes augmentent tendent, au fil du temps, à justifier une hausse du cours des actions. Voir la figure 2, qui montre le rendement supérieur des sociétés qui établissent ou font fructifier leurs dividendes au fil du temps, par rapport à celui des sociétés qui ont une politique de dividendes stable ou inexistante.

Figure 2 : Actions de l’indice S&P 500, triées par politique de dividendes, de janvier 1990 à septembre 2023

S&P 500 stocks, sorted by dividend policy, Jan 1990 – Sep 2023
Sources: Barrow Hanley, Strategas Research Partners.

Il y a quelques éléments à noter dans ce graphique, au-delà des implications de l’attrayante ligne grise. Premièrement, la croissance des dividendes découle a) de la croissance des bénéfices; b) d’un versement croissant des bénéfices ou c) des deux. Je vais couvrir les inconvénients potentiels du ratio de distribution ci-après, mais il est possible qu’une partie de la croissance du cours de l’action soit le reflet de la confiance d’investisseurs dans la capacité de la direction de continuer de faire croître les bénéfices.

Et deuxièmement, il est important de noter que certaines entreprises fantastiques versent peu ou pas de dividendes. Il s’agit généralement d’entreprises à croissance rapide, souvent dans des secteurs plus récents et potentiellement plus risqués, qui ont besoin que chaque cent de profit gagné soit réinvesti dans leurs activités pour financer leur croissance.

Arguments en faveur des dividendes pour les investisseurs individuels

Pour les investisseurs imposables, les dividendes sont intéressants, car ils sont habituellement versés chaque trimestre, de façon fiable (les sociétés hésitent à réduire les dividendes, car cela signale une faiblesse), peuvent croître au fil du temps et peuvent bénéficier d’un traitement fiscal favorable grâce au crédit d’impôt canadien pour dividendes.

L’investisseur recevant le dividende peut également décider d’affecter les liquidités à sa consommation personnelle ou au réinvestissement. L’avantage pour les investisseurs par rapport aux sociétés est que, lorsqu’une société rachète des actions, elle n’a qu’une option (la sienne), tandis que l’investisseur peut réinvestir dans la société émettrice, ou dans une autre.

En général, les actions offrent une bonne couverture contre l’inflation, l’idée étant que les sociétés de qualité feront croître leurs bénéfices (et, idéalement, leurs dividendes) à mesure que l’économie croîtra, à un rythme supérieur au taux d’inflation. Dans la figure 3, nous avons donné des exemples de sociétés qui ont un long historique de croissance des dividendes. Toromont et RBC sont des placements de base dans nos stratégies d’actions canadiennes depuis des décennies.

Figure 3 : Croissance des dividendes de trois sociétés par rapport à l’inflation, sur les 10 années terminées le 30 septembre 2023

Dividend Growth of 3 Companies Versus Inflation, 10 Years Ended Sep 30, 2023
Source : Estimations de Bloomberg et de Leith Wheeler.

Arguments en faveur des dividendes pour les sociétés

Les investisseurs doivent avoir confiance que les équipes de gestion des entreprises dans lesquelles ils investissent répartiront adéquatement leurs bénéfices, mais malheureusement, ce n’est pas toujours ce qui se produit.

Le moment de lâcher prise. Lorsque les entreprises arrivent à maturité, elles peuvent atteindre un point où la meilleure chose à faire pour les investisseurs est de distribuer le plus de bénéfices excédentaires possible sous forme de dividendes, car la société ne peut tout simplement plus croître assez rapidement. Malheureusement, parfois, en raison d’une mauvaise gestion ou peut-être en raison d’ententes de rémunération qui incitent la direction à continuer de chercher à croître malgré les difficultés, les bénéfices excédentaires continuent d’être affectés à des projets de moins en moins rentables, alors que les investisseurs pourraient les affecter à meilleur escient à d’autres occasions. C’est un scénario dans lequel on pourrait espérer que les dividendes augmentent, mais ce n’est pas le cas.

Continuer d’attiser le charbon. Par ailleurs, certaines équipes de direction vont dans la direction opposée, en versant trop de bénéfices sous forme de dividendes et en ne réinvestissant pas dans les activités, au point où l’entreprise ne peut plus subvenir à ses besoins. Dans les cas extrêmes, certaines peuvent même s’endetter pour financer leur politique de dividendes. Le marché a un moyen de rattraper ces entreprises au fil du temps. Lorsque les bénéfices commenceront à diminuer en raison du manque d’investissements, la croissance des dividendes devra diminuer et, au bout du compte, le cours de l’action fléchira.

À l’échelle macroéconomique, lorsqu’un nombre suffisant d’investisseurs veulent quelque chose, le secteur des placements tend à trouver un moyen de produire des résultats – et parfois, les choses peuvent déraper. L’engouement pour les fiducies commerciales et de revenu au Canada il y a environ 20 ans en est un exemple.

Étude de cas : L’engouement pour les fiducies commerciales et de revenu au Canada

Au début des années 2000, le Canada a connu une mini-bulle liée aux titres de revenu de type dividende. Les fiducies de revenu, qui relevaient davantage des sociétés du secteur de l’énergie dans le passé, ont commencé à apparaître dans les secteurs de la consommation, des produits industriels et d’autres secteurs, car les sociétés cotées en bourse qui historiquement émettaient des actions ordinaires se sont converties en masse à la structure de fiducie de revenu. Pourquoi? Parce que ces entités pouvaient réduire leur facture d’impôt et que les investisseurs avides de liquidités croyaient que les valorisations étaient plus élevées, ce qui satisfaisait à la fois les équipes de direction et les porteurs de parts existants. Le problème, c’est que des entreprises en croissance qui ne distribuaient pas un pourcentage énorme de leurs bénéfices aux investisseurs se sont soudainement engagées dans ce jeu. Compte tenu des pertes fiscales (et vraisemblablement du dysfonctionnement croissant des marchés), le gouvernement est finalement intervenu, mais avec plus de temps, il est probable que nous aurions vu des échecs ou des retours de masse vers la structure d’actionnariat.

Arguments à l’encontre des dividendes pour les investisseurs individuels

L’un des inconvénients de l’argument de l’« avantage fiscal » est que les dividendes ne sont pas tous égaux. Les dividendes « admissibles » permettent d’obtenir le crédit d’impôt, contrairement aux dividendes non admissibles. Dans certains cas, les dividendes étrangers peuvent aussi entraîner des retenues d’impôt plus élevées.

Les investisseurs doivent également comprendre qu’en ce qui concerne les dividendes, avoir plus (aujourd’hui) n’est pas toujours préférable. Même en ignorant les avantages qu’une hausse du dividende procure au cours de l’action au fil du temps (voir la figure 2), il est important de se rappeler qu’un rendement en dividendes juteux d’une société médiocre aujourd’hui est inférieur à un dividende modeste, mais croissant au fil du temps.

Voir la figure 4, qui illustre qu’un investisseur recevra plus de dividendes au fil du temps en achetant l’entreprise A, dont le rendement en dividendes de départ est de 2 % et qui croît à 20 % par année, que l’entreprise B, dont le rendement en dividendes de départ est de 4 % et qui ne croît pas. Sur 15 ans, les dividendes totaux reçus de l’entreprise A seraient de 144 $, et de 60 $ pour l’entreprise B. N’oubliez pas que ces dividendes peuvent être réinvestis chaque année pour augmenter davantage en fonction de la croissance du cours de l’action.

Figure 4 : Versements de dividendes hypothétiques de sociétés à croissance nulle et à croissance de 20 % (cours actuel de l’action : 100 $)

Hypothetical Dividend Payments from Zero-Growth and 20%-Growth Companies (Share price today: $100)

La triste réalité est que les investisseurs, et parfois leurs conseillers en placement, sont attirés par l’ornement brillant dans l’arbre de Noël – dans ce cas-ci, l’important dividende actuel. Le secteur estime qu’il devrait être en mesure de faire la distinction entre les bons et les mauvais acteurs, tandis que les investisseurs, agissant en êtres humains, se concentrent trop sur l’horizon à court terme.

Chez Leith Wheeler, nous nous concentrons sur le rendement total de nos placements, qui comprend l’appréciation du capital et des dividendes. Au lieu de chercher le rendement le plus élevé, nous nous concentrons sur les entreprises dont le niveau de rentabilité est élevé, dont la variabilité est faible et dont le ratio de distribution est modeste (c.-à-d. qu’elles réinvestissent de façon importante dans leurs activités). Nous analysons dans quelle mesure les entreprises peuvent maintenir leurs dividendes et accordons la priorité aux sociétés qui affichent une longue feuille de route en matière de croissance. Nous avons constaté qu’au fil du temps, cette approche fonctionne le mieux.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la façon dont nous investissons sur les marchés boursiers, veuillez communiquer avec nous.

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